la Légende des Gens du M1 de L.G.C
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LE COURS DE MME RABAU POUR LES ABSENTS

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Message  Admin Ven 2 Nov - 0:55

2°) Premier regard sur le corpus
Qu’allons-nous lire et analyser ? Pour l’instant nous noterons non pas tant les différences qui apparaîtront à l’analyse que des points communs qui justifient qu’on rapproche ces textes

La première observation que l’on peut faire dans cette optique c’est de se demander s’il existe un contenu commun, voire ce que l’on pourrait nommer un plus petit dénominateur commun en terme de contenu.
Cette question intéresse à la fois l’enchaînement des actions, l’intrigue ce que l’on peut appeler un imaginaire de la rencontre avec Homère (imaginaire au sens trivial de ensemble d’objets produits par l’imagination), la classification générique, les procédés mis en œuvre et l’approche historique.
A. Intrigue
Il n’est pas certain qu’il existe une mise en intrigue à chaque rencontre. On peut seulement dire que dans tous les cas un personnage est face à Homère, dans le même espace et le même temps. A quoi on peut ajouter que ce personnage n’est jamais le contemporain d’Homère alors qu’il se trouve dans le même espace temps que lui (peut-être exception ou en tout cas discutable dans le cas d’Achille face à Homère chez Fénelon).
En outre cette situation initiale, présuppose deux types d’actions qui sont ou ne sont pas exploitées selon nos textes :
D’abord, un récit qui a surtout une fonction de motivation de la rencontre et qui explique comment on s’est trouvé face à Homère : Récit de descente dans le lieu où se trouve Homère ou récit de l’invocation par laquelle on fait venir l’ombre d’Homère.
Deuxième type d’action, le dialogue avec Homère qui prend généralement la forme d’une suite de question : Homère n’a jamais l’initiative du dialogue (point à retenir pour la suite et pour l’hypothèse que c’est souvent l’histoire d’une lecture qui est représentée, et donc que c’est un lecteur et ses éventuelles questions qui sont mises en scène. Les choses sont plus complexe toutefois chez Borges)
B. Imaginaire
Homère : une allégorie ?
Premier point à noter ces rencontres sont l’occasion de représenter Homère, de donner un corps à l’absent et à l’inconnu. Or on est frappé par la relativement faible exploitation de cette possibilité. Homère n’est pas décrit ou quand il l’est c’est de manière sommaire et extrêmement conventionnelle : il est vieux, au mieux on sait qu’il est aveugle (Solomos).
Ce caractère sommaire de la description s’explique aisément pour deux raisons liées entre elles : En fait dans l’imaginaire occidental, l’image d’Homère est chose fort connue et stéréotypé
Cf. les bustes d’Homère comme vous pouvez vous en convaincre en faisant une rapide recherche sur Google image…
A cela on peut donner une explication qui est celle de Glenn Most dans un article à paraître. La représentation d’Homère est essentiellement allégorique, chaque trait est signifiant et en ce sens il s’agit de signifier plus que d’imaginer de ce qui a dû être.
Le portrait exprime ce qu’Homère représente, comme l’écrit Glenn Most :
The portraits show Homer not as he was but as his culture thought he must have been. That is why in these portraits of Homer, there is not a single detail that is not charged with significance. Each portrait is completely semiotic, as a whole and in In every regard, the mode of representation indicates what the artist, and his culture, took to be appropriate to Homer as they understood him; hence we may interpret these portraits in every detail as an allegory of what Homer meant for the culture of ancient Greece. The blind eyes not only identify him as Homer but also indicate his withdrawal from the superficial banalities of our everyday existence towards a higher, invisible realm of poetic truth to which he has access not through physical sight but through memory and imagination; we look at him, but he does not deign to return our gaze; instead he looks through us, beyond us, above us. The lines on his forehead indicate a profound concentration of intellectual effort. The thick, luxuriant hair expresses his physical force and vigor, and compensates for the evident signs of age in his hollow cheeks; while the careful ordering of his hair suggests how much art and skill he has devoted to turning this natural vitality into a formally perfect work of art, a kosmos. The fillet that binds the hair belongs normally to priests: the wisdom of this poet is not of this world, but belongs to the gods. The beard is an expression of great age and hence of experience and authority; but the mustache is carefully trimmed to make sure that the mouth, with its full bottom lip, is not at all obscured: it is from that slightly opened mouth that the poet’s eternal wisdom, the images of the other world to which he has access, flows forth to reach us.


Deux exceptions notables au caractère conventionnel de la représentation d’Homère sont représentées par nos deux textes du 20ème. Toutefois Barker brode toujours sur le thème de la vieillesse. Et Borges ne décrit Homère que tant que son identité n’a pas été révélée. Par la suite on ne sait rien, on ne sait par exemple si ce sauvage rampant change d’attitude, une fois qu’il s’est souvenu avoir écrit l’Iliade et l’Odyssée.
Surtout les deux auteurs du 20ème plutôt que de donner un corps à Homère ou d’en faire une description, se livrent plutôt à première lecture à un jeu contre l’attente : on ne s’attend pas à voir Homère comme un sauvage ou comme un vieillard plus ou moins lubrique. Dès lors, ce qui me semble en jeu dans ces deux rencontres ce n’est pas tant la description d’Homère que la question de sa reconnaissance par rapport à l’image stéréotypée que nous en avons et par là même une remise en cause et de cette image stéréotypée et du sens qui lui est attaché.

Pour résumer ce premier point, tant que l’autorité d’Homère telle que sa représentation allégorique la signifie n’est pas fondamentalement remise en question, on ne décrit pas Homère (on suppose qu’il est égal à la représentation allégorique). Mais quand le sens attaché à la figure change, alors la description intervient.

Homère : Une ombre
Or une autre caractéristique d’Homère n’est pratiquement pas exploitée dans ces textes alors qu’elle pourrait donner lieu à une mise en œuvre de l’imagination
De fait, Homère dans tous nos textes, à l’exception peut-être du texte de Barker est mort et c’est donc à un mort qu’ont affaire ses différents interlocuteurs, soit la sous la forme d’un habitant d’un séjour des morts, soit sous la forme d’une « ombre » . Il convient alors, dans une démarche qui pour le coup est comparatiste, de se demander ce que nous savons de la représentation des « ombres » et des fantômes dans la littérature occidentale. Dans l’
Odyssée (XI) et l’Enéide (VI), on trouve des ombres ou des âmes (anima) qui semblent avoir un corps car elles boivent le sang qu’on leur offre, parfois les héros portent les blessures qu’ils ont reçu au moment de la mort.) Mais en même temps on ne trouve pas dans ces textes de tentative de description du corps des morts en tant qu’ils sont morts et donc diffèrent des vivants. Tout au plus trouve t on la mention dans l’Odyssée qu’Agamemnon a perdu sa vigueur d’antan.
Dans la Divine Comédie de Dante, de même il existe bien des corps (alors qu’il est question d’âme) mais (autant que je sache), la question n’est pas posée ou problématisée.
Il est même frappant de voir que les peintres illustrant la divine comédie, résolvent le problème simplement par la représentation du corps
Mais en même temps la représentation de l’ombre ou du mort revenant sur terre (fantôme spectre etc) a posé problème à un ordre art visuel qui est le théâtre (Voir à ce sujet, l’ouvrage suivant : Dramaturgies de l'ombre Françoise Lavocat et François Lecercle (dir.)
Presses Universitaire de Rennes, 2005.)
Il existe donc bien un imaginaire du fantôme dont le cinéma a également joué.
Quoi qu’il en soit de cet imaginaire du fantôme (cela serait pour vous, si la question vous intéresse, un possible sujet de dossier), il est frappant que dans nos textes absolument pas infléchi du côté du pittoresque
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Message  Admin Ven 2 Nov - 0:56

A ces remarques, il faudrait ajouter la facilité extrême de la rencontre dont l’invraisemblance et le caractère surnaturel, ne sont pas thématisés : on est dans le merveilleux au sens de Todorov (l’irruption du surnaturel ou de l’irrationnel ne font pas problème).

Cette absence de pittoresque et d’étonnement devant le surnaturel s’expliquent par deux ensembles de raisons.
D’abord l’essentiel n’est pas là ces rencontres, on l’a vu, sont proches de l’allégorie : il donc nécessaire d’être efficace pour aller au sens et le lecteur au fait des conventions de l’allégorie reconnaît la fantaisie pour ce qu’elle est : une simple fiction qui ne se donne pas pour vraie mais dont la fonction est d’imager un sene.
Deuxième raison plus fondamentale, il se pourrait bien, pour le dire brutalement, qu’ Homère soit toujours déjà un fantôme. En fait, autant que nous le sachions, tout le discours occidental sur Homère est toujours un discours sur un auteur mort (et par ailleurs, largement inconnu. (Peut-être a-t-il existé des discours de ses contemporains sur Homère, mais nous ne les connaissons pas).
Dès lors, désigner Homère c’est toujours désigner un mort et le désigner à une époque postérieur à sa mort.
Homère désigne l’idée présente que nous nous faisons d’un mort (en tout cas d’un absent)
Dès lors que représente-t-on quand nous représentons Homère ?
Non pas tellement l’auteur du passé tel qu’il devait être de son vivant, mais plutot l’idée que nous nous faisons à présent d’un auteur disparu. En ce sens, Homère est beaucoup plus proche du mort ressuscité que de l’auteur vivant. Et l’expression « ombre d’Homère » est presque un pléonasme = le nom Homère désigne par excellence une ombre.
C’est pourquoi l’idée d’ombre d’Homère n’est en rien choquante ou exceptionnelle et n’appelle pas un effort descriptif particulier.
En revanche, parce que le fantôme représente la présence du passé au présent, un autre élément de l’imaginaire du fantôme, et en particulier de l’invocation au mort, peut nous intéresser :
Toute rencontre avec un mort suppose un traitement particulier des temps
Dabord en ce que le fantôme est un reste du passé dans le présent = en ce sens la rencontre avec Homère engage un cadre où l’expérience de la chronologie est mise à mal. C’est pour cela qu’il est fait appel dans nos textes à des cadres hors du temps, « achroniques » qui autorise le mélange des temps (les enfers, le royaume des morts, la cité des immortels ou encore les ruines d’une université à une époque indéterminée chez Barker).
En outre toute représentation du fantôme suppose un paradoxe temporel : au figement du fantôme qui ne change plus et reste figé dans une sorte d’éternel présent
s’oppose l’écoulement du temps de la rencontre, mais aussi l’écoulement du temps de l’histoire qui nous sépare de ce fantôme. Dès lors faire intervenir un fantôme c’est toujours mesurer le rapport d’un temps révolu et passé au changement qui a conduit au présent où l’on se trouve
Très souvent, cette question se traduit en termes de savoir : que sait le fantôme de ce qui a suivi sa mort ?
Cf Odyssée où les ombres sont à la fois porteuses d’un savoir mais en même temps ne sont pas omniscientes (à part Tirésias mais c’est parce qu’il est devin, pas parce qu’il est mort)
Or dans le cas d’Homère, cette question est essentielle car elle permet de poser la question du rapport d’un présent littéraire à un passé littéraire
Nous aurons à chaque fois à situer le savoir d’Homère par rapport au présent où il est représenté : Notons déjà grossièrement pour l’instant qu’il sait tout d’Houdar de la Motte ou de Marivaux, qu’il a oublié l’Iliade et l’Odyssée dans Borges, tandis que chez Fontenelle, il ne sait pas comment il a été lu après sa mort (alors qu’Hésiode le sait).
A chaque fois c’est un nouveau rapport du passé au présent qui est représenté
Enfin, toujours du point de vue du temps, la représentation du fantôme suppose la mise en œuvre imaginaire d’un dernier point : l’imaginaire de l’éternité. En effet, le fantôme est par définition celui qui dure au-delà de la mort. Or cela est essentiel dans la représentation du littéraire, car si Homère est encore présent, cela signifie la possibilité d’une survie par la littérature. Nous aurons à nous demander, notamment à propos d’Houdar de la Motte, si ce n’est pas cette possibilité d’une éternité littéraire, que que cherchent à représenter certains de nos auteurs et peut-être même les plus « modernes » : Dans le cas, Houdar de la Motte, n ous envisagerons le paradoxe qu’un moderne vienne demander à Homère d’étayer ses thèses.
En effet, être moderne c’est dire que tout a une fin, que le passé peut être remis en question.
Dès lors, se dire « moderne » suppose que l’on prede perte le passé mais aussi la possibilité d’une postérité. Convoquer Homère serait une manière de compenser cette perte. Il est en tout cas troublant que chez Borges, le même Homère devienne ncore une figure de l’immortalité.
Ainsi s’il y a un imaginaire, cela me semble d’abord être un imaginaire du temps plus que du fantôme et de l’auteur.
En somme, l’imaginaire de la rencontre avec Homère suppose que l’on brouille, comme on vient de le voir, l’ordre du temps.

Or cet imaginaire est étroitement lié à des genres littéraires qui le mettent en œuvre de manière privilégié.


C. Genres
Utiliser les genres littéraires ou plus largement les typologies littéraires pour caractériser nos textes ne revient pas à faire de la taxinomie ou de la classification avec l’idée que chaque classe est exclusive l’une de l’autre, mais plutôt prendre un point de vue que Genette nommerait « architextuel » : il s’agit de caractériser nos textes par rapport à des catégories plus larges étant entendu qu’ils peuvent ressortir à plusieurs catégories à la fois
Etant entendu également que ces catégories englobantes ne font pas être exactement de même ampleur :
- peut être en effet ce qu’on appelle un genre répertorié (type dialogue des morts)
- un motif (action ou objet associé à une thématique large
- catégorisation plus large (ce texte est-il ou non fictionnel)

Cela posé, de quel(s) grand(s)ensemble(s), nos textes révèlent-ils ?
Sur les genres littéraires des textes eux-mêmes on peut noter une grande ligne de partage
La plupart de nos textes appartiennent à des genres assez divers dont aucun ne semble plus qu’un autre appeler ou favoriser la rencontre avec Homère (nouvelle, ode, poème, théâtre)
Mais certains, au premier chef au 17/18ème relèvent au contraire d’un genre qui permet par excellence cette représentation : le dialogue des morts.

Le Dialogue des morts n’a pas été très étudié récemment (cf. toutefois, Egilsrud, Johan, 1898, Le « dialogue des morts » dans les littératures française, allemande, et anglaise (1644-1789), Paris, 1934.), mais un numéro de la Revue La Licorne devrait paraître incessamment sur la question.
Il s’agit généralement de la représentation d’un séjour des morts où les morts de différentes époques dialoguent entre eux. D’un point de vue historique, l’ébauche du genre se rencontre dans Les Grenouilles d’Aristophane où (Eschyle et Euripide s’entretiennent aux Enfers. Mais c’est Lucien qui est considéré comme le créateur du genre, quand il écrit, au deuxième siècle de notre ère, ses Dialogues des morts.
Très peu représenté au MA et peu à la renaissance, le genre réapparaît à la fin du 17ème en France : il se diffuse en influence sur Angleterre et en Allemagne avant de revenir en France (Voir par exemple à la fin du 19ème siècle « L’art » de Marcel Schwob, in Le Spicilège.
Pour l’instant deux traits de ce genre peuvent retenir notre attention :
Le genre lié à un certain rationalisme quand il réapparaît en France (notamment chez Fontenelle) = ce qui peut expliquer l’absence de pittoresque dont je parlais : chaque mort incarne une position philosophique ou littéraire et il n’est pas question de description soit du mort, soit même du corps de l’auteur.
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Message  Admin Ven 2 Nov - 0:56

Mais surtout c’est un genre qui nous ramène à la question de l’anachronisme : le dialogue des morts est rationnel mais non exactement vraisemblable
Des morts de différentes époques s’y entretiennent et s’instaure un dialogue entre des temps qui ne devraient pas se rencontrer. Le dialogue des genres permet donc ce que j’appellerais une sorte de théâtralisation de la pensée et de la mémoire. (Je peux faire dialoguer en pensée des morts, comme je fais dialoguer, dans l’exercice de la réflexion, des pensées que je porte en mémoire).
En somme, le dialogue du mort permettrait une mise en fiction de notre rapport au temps dans l’interprétation et dans la réflexion.
En ce sens, nous devons le rapprocher d’autres genres qui permettent aussi de jouer des catégories temporelles , la Science Fiction, dont Barker, nous le verrons, exploite les ressorts.
Au dialogue des morts, peuvent être associés deux motifs qui sont largement utilisés par nos textes et une figure de style qui peut y être associée. Premier motif, la nekuia, ou interrogation des mots consiste à interroger les mots, le plus souvent en leur offrant un sacrifice. Le grand modèle en est le chant XI de l’Odyssée où Ulysse offre le sang d’un mouton noir pour nourrir les morts et peut alors interroger Tirésias. La nekuia est souvent précédée d’une Catabase, action de descendre vers le bas. Deuxième motif, l’évocation des morts : on ne se rend plus alors aux Enfers, mais on fait venir le mort sur terre, pour l’interroger. Voir par exemple l’évocation de l’ombre e Darios dans Les Perses d’Eschyle. Pour la figure de style, il s’agit de la prosopopée, le fait de donner la parole à une abstraction ou à un mort (ici le cas mais le grand ajout= la situation de dialogue).
Ces motifs et ce procédés posent à nouveau la question de la chronologie, mais d’un autre manière : cette fois ce ne sont plus différents temps passés qui se rejoignent, mais le présent du lecteur qui rejoint l’éternité où se trouve le mort. C’est aussi l’autorité du mort qui se trouve interrogée : elle est renforcée, car dans tous ces cas le mort est donné comme une figure de avoir mais remise en question car bien souvent les réponses du mort peuvent ne pas être pertinentes par rapport au présent du lecteur. Je vous conseille, dans cette optique, de lire l’évocation de Darios dans les Perses d’Eschyle (la comparaison de ce texte, avec les rencontres homériques que nous étudions, pourrait être un sujet de dossier).
Enfin le dialogue des morts et la nekuia ou l’évocation posent le problème de la fiction. Car enfin comment pouvons-nous comprendre ces textes résolument fictionnels qui mettent pourtant en scène, bien souvent des personnages dont l’existence historique n’est pas remise en question.
Ce régime mixte pose le problème de la typologie à un autre niveau, celui de la différence entre fiction et non fiction.

Régime fictionnel
La question de la différence entre fiction et non fiction a fait couler beaucoup d’encre chez les théoriciens de la littérature. Pour vous initier à cette question, je vous conseille la lecture de l’anthologie « La Fiction » parue chez GF-Corpus (auteur : C. Montalbetti) où se pose plus particulièrement la question du rapport entre le discours fictionnel et la représentation d’un objet historique qui appellerait plutôt un discours dit référentiel.
Que savons-nous de ce genre de ce situations ?
Déjà on peut penser, au cas de ce que les théoriciens de la fiction ont parfois appelé des « migrations » (cf. l’ouvrage de Montalbetti), quand un personnage historique apparaît dans un univers fictionnel, par exemple quand Napoléon devient un personnage d’un roman de Stendhal. Ensuite, cas où un discours présentée comme fictif prend en charge comme objet principal un objet habituellement considéré comme historique. On pense au cas de ces fictions dont le genre s’est développé ces dernières années qui se présentent comme des inventions de la vie de personnages réels. Voir à ce sujet le numéro 46 de la revue Otrante (Vies imaginaires). La mise en fiction de l’auteur historique participe de cette catégorie, si ce n’est qu’il ne prend pas toujours la forme d’une biographie (voir par exemple notre corpus) et que par ailleurs, l’invention de l’auteur reflète toujours ce que j’appellerais une expérience de lecture : en inventant l’auteur, on exprime bien souvent ce que l’on a lu de son texte, soit qu’on lui prête les traits de ses personnages (Homère ressemble à Ulysse), soit encore qu’on profite de cette représentation fictionnelle, pour faire répondre l’auteur aux questions qu’on s’est posées en lisant son œuvre.
Notre corpus fait partie de cette catégorie mais elle en constitue un cas particulier car elle permet un face entre l’auteur et un lecteur : on dira donc que la fonction herméneutique de la fiction d’auteur est mise en œuvre de manière particulièrement aigue.
Mais la mixité fictionnelle peut intervenir d’une autre manière qui nous intéresse aussi : quand la fiction se charge d’un discours sur le monde
Le cas le plus connue est l’allégorie, une fictionnel dont aucun élément n’est gratuit mais chacun correspond à un discours abstrait.
Nous aurons à nous demander pour chacun de nos textes jusqu’à quel point Homère est une figure allégorique pure. L’hypothèse que je proposerai à ce sujet est que la fiction de nos rencontres ne se résume jamais au sens qu’elle image, qu’il existe toujours un reste dramatique ou fictionnel, car il ne s’agit jamais seulement d’imager un sens mais toujours aussi de répondre à une curiosité d’ordre historique : qui était vraiment Homère, quelle était vraiment son intention.
Une autre réflexion récente peut encore nous aider à préciser le rapport entre fiction et sens, centrale pour notre corpus. Dans son livre sur l’Essai (paru en 2006 chez Belin), Marielle Macé propose de définir l’essai comme une forme mixte entre le discours de réflexion et la fiction (la fiction pourrait y intervenir ponctuellement par exemple). Elle note surtout que
la différence entre cette fiction de l’essai et la forme romanesque serait que le roman essaie de former un univers fictionnel assez exhaustif et cohérent, un univers également durable au-delà même de la lecture (je me souviens de Madame Bovary et peut si je veux continuer à écrire ses aventures). A l’inverse l’essai ne se soucierait pas de cette exhaustivité, ni non plus de cette permanence au-delà de la lecture. Il crée un instant un univers fictionnel instable, ponctuel et limité qui peut disparaître de la mémoire du lecteur sans que l’information principale du propos soit perdue. Il me semble que nos fictions relèvent peut-être de ce type d’univers fictionnels fugitifs qui n’ont pas pour but d’enrichir notre imaginaire mais plutôt d’exprimer de manière commode une conception d’Homère à un moment donné de l’histoire

En tout cas si cette dernière hypothèse était exacte, elle expliquerait un dernier fait typologique. Dans notre corpus, nous sommes dans tous les cas devant des formes brèves (à l’exception peut-être de Barker). Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’il ne s’agit pas de créer un univers fictionnel permanent mais seulement ponctuel (à quoi il faudrait ajouter que par définition la rencontre entre le passé et le présent est chose mouvante qui ne peut durer, qui doit se renouveler d’époque en époque et que la brièveté de la forme permet peut-être d’exprimer ce caractère éphémère de la rencontre.)

Cette question de la brièveté nous amène à poser la question de la forme : quels sont les procédés que l’on retrouve d’une rencontre à l’autre ?
D. Poétique
Si on s’interroge en effet sur procédés mises en œuvre dans nos textes ce qui me semble le plus frappant c’est qu’en termes narratologiques on soit face à des scènes (par opposition au sommaire et à la pause descriptive)
C’est que la scène en effet a double avantage de donner une forte expression de présence de l’énoncé (cf. Genette dans Figures III : impression que l’action que se déroule dans le temps même temps de ma lecture) par un effacement de l’énonciation. Mais en même temps, la scène produit cet effet de manière efficace et relativement rapide (vs la description).
Mais cet effacement de l’énonciation (que nous serons amenés à relativiser pour Borges, mais pas tant que ça pour la scène où Homère lui raconte tout) pourrait nous étonner puisque déjà à plusieurs reprises, nous avons noté que c’est peut-être l’histoire d’un lecteur face à Homère plutôt que d’Homère lui-même.
Or justement toujours en termes de procédés il se pourrait que ce lecteur apparaisse à un autre niveau. Car lorsque nous ne sommes pas dans un schéma du type « dialogue des morts », nous souvent faces à des récits homodiégétiques : je raconte comment moi, personnage du présent, je me retrouve face à Homère. Cela est d’autant plus frappant que très souvent, on est dans une forme d’autofiction : nom de l’auteur = nom du héros pris dans une histoire imaginaire.
Moi auteur du présent je me retrouve face à l’auteur du passé : c’est en ce sens qu’est mise en scène l’expérience de lecture. On peut même dire que si ces textes sont des allégories, ce sont des allégories de ce qu’est la lecture et l’interprétation.
Cela posé, il existe une exception = Barker. Or Barker est le dernier titre de notre corpus. Sommes-nous devant une évolution historique ?
Il est trop tôt pour le dire, mais cette question nous conduit au moins à tenter une première description de notre objet en termes historiques.

E. Approche historique
Peut-on repérer soit une évolution soit des moments où les rencontres se multiplient alors qu’ils sont plus rares à d’autres, enfin existe-t-il des ruptures ou des trous
1ère remarque, il existe une certaine continuité : chaque période canonique de l’histoire littéraire européenne est représentée dans notre corpus, à l’exception peut-être de ce qu’on appelle la renaissance (mais pas impossible que cela soit lié à omission de ma part).
2ème remarque, on possède dans notre corpus deux exceptions dont il nous faudra rendre compte et se demander si leur caractère exceptionnel peut s’expliquer pour des raisons historiques
Je pense à Dante d’une part et d’autre part à Solomos
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Message  Admin Ven 2 Nov - 0:56

Dans les deux cas on a bien un texte qui ressemble fort à notre objet : il existe un décalage historique, un face entre un lecteur et Homère qui est là sous la forme d’une ombre.
Mais cette rencontre ne donne pas lieu à une question (et pas même à une prise de parole d’Homère). On aura à y revenir sous l’angle du rapport entre interprétation et présence
En effet, nous avons là un cas très pur de présence non liée à l’élucidation d’un sens, comme ce qui comptait n’était pas la convocation d’Homère pour répondre à une interrogation d’autre interprétatif. Dans ce cas le seul fait de la présence est suffisant.
Mais sous un angle historique est-il possible de voir un lien entre ces deux moments ?
Bien sûr, la chose semble assez difficile parce que dans les deux cas des explications propres à la poétique de l’auteur peuvent être trouvées (Chez Dante, la présence de Virgile institué comme guide et figure d’autorité pourrait expliquer que le rôle d’Homère, de toute façon moins important au Moyen âge, soit moins important et, dans le cas de Solomos, il est possible de deviner une rivalité très forte entre un auteur qui représente la Grèce antique et Solomos poète de la Grèce moderne qui regarde, d’ailleurs lui aussi, autant du côté de l’Italie que de la Grèce (sinon plus).
Toutefois, hypothèse que l’on peut faire serait que nous sommes là à deux périodes où la figure de l’auteur ancien en général et en particulier d’Homère joue surtout un rôle d’auctor au sens médiéval du terme.
Auctor (autorité) = celui qui garantit la vérité ou le bien fondé de ce que je dis, mais qui le garantit en quelque sorte par sa seule présence, ou tout au moins par la seule mention de son nom.
Certes l’auctor a écrit et c’est son texte qu’on est censé imiter
Mais on s’aperçoit qu’au Moyen âge, la mention d’un auctor n’est pas forcément liée à une imitation du texte de l’auteur, ou plutôt que cette imitation n’est qu’une fiction d’imitation qui masque en fait une invention propre. Par exemple, dans le Roman de Thèbes (12ème siècle),: la seule mention de Stace, auctor, intervient dans un passage qui précisément n’est pas imité de Stace. La fonction du garant est alors non pas de fournir une matière mais plutôt de donner le droit à un écrivain d’écrire.

En somme, l’auctor suppose comme une solution de continuité entre l’autorité de la personne et la lecture effective de son texte. On pourrait presque dire que l’auctor garantit le droit de ne pas écrire comme lui, qu’il est garant de la nouveauté
Or on se demandera à propos de Dante si ce n’est pas cela qui est en jeu dans le silence d’Homère : la figure de la tradition n’est convoqué que pour être mieux abandonné
Il se trouve que l’époque romantique a été généralement caractérisée par un retour au moyen âge, notamment sur l’utilisation de l’auctor. On remarque également, en tout cas chez les romantiques français, une tendance à citer le nom des grandes figures d’autorité plus que leurs textes : liste de noms qui rappellent les liste d’auctores.
Et on peut se demander si dans le cas de Solomos, nous n’observons pas un phénomène similaire à celui de Dante : la présence d’Homère suffit à garantir l’autorité de Solomos, et c’est de cela qu’il est question plus que de l’élucidation du sens de son texte.

3ème remarque : il existe effectivement de manière nette une période où les rencontres sont plus importantes
17ème-18ème siècle : dans le contexte de la querelle des anciens et des modernes. Ensuite, deux autres périodes se dégagent : l’Antiquité tardive et 20ème siècle.
Dans chacune de ces périodes, on peut certes repérer un contexte où l’autorité d’Homère et la question de l’interprétation de son texte est centrale.

Deuxième Sophistique (antiquité tardive) est marqué par un retour à la tradition grecque, autorité générale d’Homère dans un contexte gréco-latin et continuation de la grande époque de l’édition des textes d’Homère entamée à l’époque hellénistique, par les savants d’Alexandrie. La question de savoir où Homère est né fait partie des sujets que l’on donne en entraînement dans les écoles de rhétorique (on y reviendra).
Le moment de la querelle entre les Anciens et les Modernes :
Homère devient une quasi métonymie de la tradition antique, voire du camp des anciens En outre, à partir de l’Abbé d’Aubignac, renouveau de la question homérique.
Homère est à la fois au centre d’une interrogation érudite (existence ou pas etc.) et d’une interrogation littéraire : faut-il écrire contre ou pour Homère.
Enfin, qu’en est-il du 20ème siècle ?
Renouveau de la question érudite et de l’interprétation avec notamment les travaux de Milman Parry. Autre filtre dont on peut se demander s’il n’a pas une grande importance pour la réception d’Homère = Ulysse non qu’il y soit question d’Homère directement mais parce que désigne l’Odyssée comme un texte qui représente la tradition littéraire
Enfin aussi bien ce qu’on appelle la modernité que la post-modernité pose la question de l’autorité du passé (cf. pour une première approche, Apostille au nom de la rose d’Umberto Eco)


Toutefois l’existence de ces noyaux historiques ne me semble pas directement liée à la recrudescence de ces rencontres. Pour une raison simple, c’est que la question de l’autorité d’Homère et de la lecture d’Homère se pose à des époques où je ne rencontre pas de rencontres fictives. Cela est vrai de la renaissance italienne (14ème siècle italien) où on observe un renouveau de la lecture d’Homère en grec. C’est vrai aussi de la période romantique où le nom d’Homère ne cesse d’être mentionnée au 19ème français comme autorité littéraire aux côtés de Dante, Eschyle. Or le même romantisme et préromantisme français offre des représentations fictionnelles d’Homère, notamment l’Aveugle de Chénier mais où on n’a peu, à ma connaissance de rencontre avec le poète (Seul cas que je connaisse et encore c’est un cas limite = Solomos).
Au-delà Romantisme allemand est généralement décrit comme moment où prise de conscience de la distance historique qui sépare le présent de l’antiquité et parallèlement naissance de l’herméneutique moderne avec Schlieiermarcher
Or là aussi le fait est que à ma connaissance il n’y a pas ou peu de rencontres fictives.
En somme, il semble peu pertinent d’aborder notre objet par l’idée d’une détermination du contexte historique.
Mais on peut se poser le problème différemment, dans les termes d’une évolution ou d’un changement.
* Le plus frappant dans notre corpus est le changement que nous observons dans les textes du 20ème siècle. Homère en effet, en particulier chez Barker voit son autorité remise en cause : il devient un personnage comique, incapable de répondre aux questions posées qui ne l’intéressent pas. De même chez Borges, on trouve des éléments parodiques mais évolution qui conduit à poser à nouveau Homère en situation d’autorité.
Ainsi en dépit de cette lecture historique, c’est plutôt la constance du phénomène qui frappe.
Nécessaire alors de fournir une hypothèse générale qui rende compte de ce phénomène.
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Message  eloise Ven 7 Déc - 23:39

Bonsoir, j'amerais savoir si quelqu'un peut me passer le mail de mme Rabau avec laquelle nous avions cours jeudi matin.J'ai vraiment du mal avec mon exposé.Où en êtes vous avec le votre? Y en a t'il qui l'ont déjà rendu?

eloise

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Message  Tengfei Sam 8 Déc - 14:59

Même question, même problème.
Tengfei
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Message  sneharika Dim 9 Déc - 23:21

voici le mail :
srabau@free.fr

en quoi consistait cet exposé déjà ?
je ne me rappelle meme plus ce que j'avais pris...enfer !

sneharika

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