Cours 3 - 15/10/07
la Légende des Gens du M1 de L.G.C :: S1 :: Histoire et Enjeux de la Traduction lit. (Mme Tran Gervat)
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Cours 3 - 15/10/07
Je rattrape mon retard !
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Fin du panorama historique
Zuber considère que la période d’apogée des « belles infidèles » sont les années 1740-1750. Cette manière de traduire contribue selon lui à la formation du goût classique.
C’est cette opposition entre fidélité et trahison que l’on retrouvera constamment dans les débats sur la question de la traduction, et encore aujourd’hui : Berman par exemple est un tenant du néo-littéralisme, et s’opposent à certains critiques américains (Douglas, Robinson) qui considère que c’est faire preuve d’élitisme. Ricoeur résume les différents enjeux de cette question en avançant que ce dilemme est une dialectique pratique qui remplace celle entre traduisible et intraduisible. Il faut selon lui considérer la différence entre traduction et version originale comme un fait. La traduction connaît deux exigences opposées : amener le lecteur à l’auteur, et amener l’auteur au lecteur.
Le travail du traducteur est semblable au travail du deuil : il s’agit d’abandonner le rêve de la traduction parfaite. « Traduire, c’est pratiquer l’hospitalité langagière. »
Déprat fait précéder ses traductions de Shakespeare dans la Pléiade d’un traité théorique, Traduire le théâtre, où il note que « traduction archaïsante et traduction modernisante sont deux façons aussi légitime de traduire une œuvre. » Toute traduction est d’abord une interprétation C’est le même problème, mais il déplace la polémique de propre/étranger à moderne/ancien. Il s’interroge spécifiquement par rapport au théâtre, et se pose notamment la question du texte à dire, à représenter : la traduction du théâtre doit penser à la « mise en bouche » du texte.
La querelle des anciens et des modernes est une controverse sur les mérites respectifs des auteurs de l’antiquité et du siècle de Louis XIV. Elle oppose les imitateurs des anciens et ceux qui les rejettent pour s’adonner à une littérature qui se veut nationale, dans une idée de constant progrès de l’esprit humain.
La seconde querelle des anciens et des modernes a lieu à partir de 1713 Perrault et Boileau sont mort, et c’est une nouvelle génération de critique qui s’oppose. Mme Dacier et Houdar de la Motte s’opposent dans la querelle d’Homère et de la manière de le traduire. L’helléniste Mme Dacier propose une traduction de l’Illiade qui se dit la plus fidèle possible au texte, même si certains endroits ont été atténués pour satisfaire au bon goût. Houdar de la Motte, reconnaissant qu’il ne connaît pas bien le grec, s’inspire à la fois de traductions latines et de celle de Mme Dacier pour en proposer une version « corriger et raccourcie ». La querelle est alors ravivée : peut-on moderniser les anciens ? Les anciens ont-il déjà tout dit ?
"J’ai mis en vers l’Iliade, tout imparfaite que je l’ai jugée ; et il semble d’abord que je mérite un reproche opposé à celui que craignent ordinairement les traducteurs qui entreprennent de copier les originaux qu’ils jugent parfaits et inimitables. […] J’ai suivi dans l’Iliade ce qui m’a paru devoir en être conservé, et j’ai pris la liberté de changer ce que j’y ai cru désagréable. Je suis traducteur en beaucoup d’endroits, et original en beaucoup d’autres."
Houdar de la Motte
Dans un article de 1996 pour Traduction, terminologie, rédaction, Benoit Léger applique la notion de fidélité pour les deux positions, et parle de choix entre fidélité à l’auteur et fidélité au lecteur. Ricoeur reprend cette idée en disant : « traduire, […] c’est servir deux maîtres, l’étranger dans son étrangeté, le lecteur dans son désir d’appropriation ».
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Méthodologie du commentaire de traduction
I Approche empirique
Contrairement à des exercices courants, le commentaire de traduction ne fait pas l’objet de consensus officiel : ce n’est pas, comme le commentaire comparé de textes, un des exercices officiels des examens et des concours, à l’exception de l’agrégation d’anglais.
Cette méthodologie est donc personnelle, et s’appuie sur des fondamentaux du commentaire de texte :
- distinction nette entre description et interprétation
- importance de la phase qui consiste à définir le contexte de l’extrait, qui va déjà être porteur d’un certain nombre de signification
A ces fondamentaux s’ajoutent des spécificités du commentaire comparé :
- on a un texte A et un texte B, qui avant d’être comparé sont forcément étudiés séparément
- l’autonomie de chaque œuvre est présupposée : est-ce aussi valable pour le commentaire de traduction ?
Il y a plusieurs possibilités :
- comparaison entre plusieurs traduction d’un même texte : les choix de traduction sont différents selon les époques, les traducteurs et les « projets de traduction ».
- comparaison entre une traduction et sa version originale : problème d’une différence de statut relever « les bons et les mauvais points » serait vaniteux, il s’agit de faire une comparaison et une interprétation des deux textes.
La traduction est à la fois lecture et interprétation de sa version originale. Le commentaire de traduction cherche à rendre compte des effets du texte A et ce qu’ils deviennent dans le texte B Il doit également identifier les principaux problèmes de traduction du texte A.
II Les ouvrages spécialisés et leurs enseignements
1) Pour une critique des traductions de Antoine Berman (1991)
Berman propose une méthodologie ainsi qu’un cas d’étude. « Si critique veut dire, fondamentalement, dégagement de la vérité d’une traduction, alors il faut dire que la critique des traductions commence à peine à exister » Il s’agit pour lui de mettre en place le « projet d’une critique productive », et souligne que la traduction est en soi une forme de critique.
Il dresse une typologie des différentes analyses des manières de traduction existantes :
- constat des différences sans interprétation (analyse tautologique)
- analyse érudite consacrée à un système de traduction sans autonomie méthodologique
- analyse engagée (Meschonnic) : savoir moderne et théorie de la traduction, attaque des traductions ne correspondant pas
- analyse descriptive à orientation sociologique (école de Tel-Aviv, Gidéon Toury, José Lambert), théorie du polysystème volontairement orientée vers la cible et non vers la source. « Etudier objectivement et le plus scientifiquement possible la littérature produite dans le polysystème littéraire de la culture et de la nation où elle est apparue […]. » Pour Berman, le défaut majeur de cette approche est qu’elle ajoutit à des lois trop systématiques, sans s’attacher aux différences dans une même époque Il ne faut pas nier le sujet traduisant.
Berman propose quelques éléments d’analyse :
- il insiste sur le travail préliminaire : il préconise au de lire et relire la traduction pour vérifier qu’elle tient en tant que texte, de reprérer les zones textuelles problématiques ou miraculeuses, puis seulement de lire l’original pour une préanalyse textuelle (traits stylistiques spécifiques, mots récurrents) avec sélection d’exemples pertinents, puis enfin d’effectuer une « recherche du traducteur » afin de dessiner une problématique de la traduction étudiée.
- Confrontation concrète, écart entre différentes traductions, entre projet et traduction effective
2) Théories et pratiques de la traduction littéraire d’Inès Oseki-Depré (1998).
Elle donne une méthode suivie de deux cas d’étude. Elle propose un commentaire littéraire et insiste sur l’identification et l’interprétation des éléments dégagés.
Voir aussi :
- Vinay-Darbenet. Stylistique comparée du français et de l’anglais. Méthode de traduction.
- Michel Ballard. Commentaire du français et de l’anglais.
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Fin du panorama historique
Zuber considère que la période d’apogée des « belles infidèles » sont les années 1740-1750. Cette manière de traduire contribue selon lui à la formation du goût classique.
C’est cette opposition entre fidélité et trahison que l’on retrouvera constamment dans les débats sur la question de la traduction, et encore aujourd’hui : Berman par exemple est un tenant du néo-littéralisme, et s’opposent à certains critiques américains (Douglas, Robinson) qui considère que c’est faire preuve d’élitisme. Ricoeur résume les différents enjeux de cette question en avançant que ce dilemme est une dialectique pratique qui remplace celle entre traduisible et intraduisible. Il faut selon lui considérer la différence entre traduction et version originale comme un fait. La traduction connaît deux exigences opposées : amener le lecteur à l’auteur, et amener l’auteur au lecteur.
Le travail du traducteur est semblable au travail du deuil : il s’agit d’abandonner le rêve de la traduction parfaite. « Traduire, c’est pratiquer l’hospitalité langagière. »
Déprat fait précéder ses traductions de Shakespeare dans la Pléiade d’un traité théorique, Traduire le théâtre, où il note que « traduction archaïsante et traduction modernisante sont deux façons aussi légitime de traduire une œuvre. » Toute traduction est d’abord une interprétation C’est le même problème, mais il déplace la polémique de propre/étranger à moderne/ancien. Il s’interroge spécifiquement par rapport au théâtre, et se pose notamment la question du texte à dire, à représenter : la traduction du théâtre doit penser à la « mise en bouche » du texte.
La querelle des anciens et des modernes est une controverse sur les mérites respectifs des auteurs de l’antiquité et du siècle de Louis XIV. Elle oppose les imitateurs des anciens et ceux qui les rejettent pour s’adonner à une littérature qui se veut nationale, dans une idée de constant progrès de l’esprit humain.
La seconde querelle des anciens et des modernes a lieu à partir de 1713 Perrault et Boileau sont mort, et c’est une nouvelle génération de critique qui s’oppose. Mme Dacier et Houdar de la Motte s’opposent dans la querelle d’Homère et de la manière de le traduire. L’helléniste Mme Dacier propose une traduction de l’Illiade qui se dit la plus fidèle possible au texte, même si certains endroits ont été atténués pour satisfaire au bon goût. Houdar de la Motte, reconnaissant qu’il ne connaît pas bien le grec, s’inspire à la fois de traductions latines et de celle de Mme Dacier pour en proposer une version « corriger et raccourcie ». La querelle est alors ravivée : peut-on moderniser les anciens ? Les anciens ont-il déjà tout dit ?
"J’ai mis en vers l’Iliade, tout imparfaite que je l’ai jugée ; et il semble d’abord que je mérite un reproche opposé à celui que craignent ordinairement les traducteurs qui entreprennent de copier les originaux qu’ils jugent parfaits et inimitables. […] J’ai suivi dans l’Iliade ce qui m’a paru devoir en être conservé, et j’ai pris la liberté de changer ce que j’y ai cru désagréable. Je suis traducteur en beaucoup d’endroits, et original en beaucoup d’autres."
Houdar de la Motte
Dans un article de 1996 pour Traduction, terminologie, rédaction, Benoit Léger applique la notion de fidélité pour les deux positions, et parle de choix entre fidélité à l’auteur et fidélité au lecteur. Ricoeur reprend cette idée en disant : « traduire, […] c’est servir deux maîtres, l’étranger dans son étrangeté, le lecteur dans son désir d’appropriation ».
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Méthodologie du commentaire de traduction
I Approche empirique
Contrairement à des exercices courants, le commentaire de traduction ne fait pas l’objet de consensus officiel : ce n’est pas, comme le commentaire comparé de textes, un des exercices officiels des examens et des concours, à l’exception de l’agrégation d’anglais.
Cette méthodologie est donc personnelle, et s’appuie sur des fondamentaux du commentaire de texte :
- distinction nette entre description et interprétation
- importance de la phase qui consiste à définir le contexte de l’extrait, qui va déjà être porteur d’un certain nombre de signification
A ces fondamentaux s’ajoutent des spécificités du commentaire comparé :
- on a un texte A et un texte B, qui avant d’être comparé sont forcément étudiés séparément
- l’autonomie de chaque œuvre est présupposée : est-ce aussi valable pour le commentaire de traduction ?
Il y a plusieurs possibilités :
- comparaison entre plusieurs traduction d’un même texte : les choix de traduction sont différents selon les époques, les traducteurs et les « projets de traduction ».
- comparaison entre une traduction et sa version originale : problème d’une différence de statut relever « les bons et les mauvais points » serait vaniteux, il s’agit de faire une comparaison et une interprétation des deux textes.
La traduction est à la fois lecture et interprétation de sa version originale. Le commentaire de traduction cherche à rendre compte des effets du texte A et ce qu’ils deviennent dans le texte B Il doit également identifier les principaux problèmes de traduction du texte A.
II Les ouvrages spécialisés et leurs enseignements
1) Pour une critique des traductions de Antoine Berman (1991)
Berman propose une méthodologie ainsi qu’un cas d’étude. « Si critique veut dire, fondamentalement, dégagement de la vérité d’une traduction, alors il faut dire que la critique des traductions commence à peine à exister » Il s’agit pour lui de mettre en place le « projet d’une critique productive », et souligne que la traduction est en soi une forme de critique.
Il dresse une typologie des différentes analyses des manières de traduction existantes :
- constat des différences sans interprétation (analyse tautologique)
- analyse érudite consacrée à un système de traduction sans autonomie méthodologique
- analyse engagée (Meschonnic) : savoir moderne et théorie de la traduction, attaque des traductions ne correspondant pas
- analyse descriptive à orientation sociologique (école de Tel-Aviv, Gidéon Toury, José Lambert), théorie du polysystème volontairement orientée vers la cible et non vers la source. « Etudier objectivement et le plus scientifiquement possible la littérature produite dans le polysystème littéraire de la culture et de la nation où elle est apparue […]. » Pour Berman, le défaut majeur de cette approche est qu’elle ajoutit à des lois trop systématiques, sans s’attacher aux différences dans une même époque Il ne faut pas nier le sujet traduisant.
Berman propose quelques éléments d’analyse :
- il insiste sur le travail préliminaire : il préconise au de lire et relire la traduction pour vérifier qu’elle tient en tant que texte, de reprérer les zones textuelles problématiques ou miraculeuses, puis seulement de lire l’original pour une préanalyse textuelle (traits stylistiques spécifiques, mots récurrents) avec sélection d’exemples pertinents, puis enfin d’effectuer une « recherche du traducteur » afin de dessiner une problématique de la traduction étudiée.
- Confrontation concrète, écart entre différentes traductions, entre projet et traduction effective
2) Théories et pratiques de la traduction littéraire d’Inès Oseki-Depré (1998).
Elle donne une méthode suivie de deux cas d’étude. Elle propose un commentaire littéraire et insiste sur l’identification et l’interprétation des éléments dégagés.
Voir aussi :
- Vinay-Darbenet. Stylistique comparée du français et de l’anglais. Méthode de traduction.
- Michel Ballard. Commentaire du français et de l’anglais.
Caroline R.- Messages : 24
Date d'inscription : 04/10/2007
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